EPTC 2 (2018) – Chapitre 3 : Processus de consentement
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La EPTC 2 (2022) remplace l'EPTC 2 (2018) comme politique officielle des organismes en matière d'éthique de la recherche avec des êtres humains.
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- Introduction
- A. Principes généraux
- B. Dérogations aux principes généraux du consentement
- C. Capacité décisionnelle
- D. Le consentement doit être documenté
Introduction
Le présent chapitre expose les exigences éthiques relatives au consentement pour la recherche avec des êtres humains. Dans la Politique, le terme « consentement » signifie « consentement libre, éclairé et continu ». Pour les besoins de la Politique, les termes « libre » et « volontaire » sont utilisés indifféremment.
Le respect des personnes présuppose que les personnes qui participent à la recherche le font volontairement, avec une compréhension aussi complète que raisonnablement possible de l’objet de la recherche, de ses risques et de ses avantages potentiels. Lorsqu’une personne est apte à comprendre cette information et capable d’agir en conséquence, selon sa propre volonté, sa décision de participer est généralement perçue comme une expression de son autonomie. La Politique réfère au processus de sollicitation du consentement des participants éventuels, au terme duquel ces derniers peuvent accepter ou refuser de participer. Ce processus est destiné à faire valoir le respect des personnes. Les chercheurs ne peuvent en aucun cas mener une recherche avec des personnes qui ont refusé d’y participer. Sous réserve des exceptions énoncées dans la Politique, le consentement des participants doit être obtenu avant le début de la recherche.
Le respect des personnes suppose également que les personnes qui ne sont pas aptes à décider elles-mêmes devraient tout de même avoir la possibilité de participer à des recherches susceptibles de comporter des avantages pour elles ou pour d’autres personnes. Dans ce cas, des tiers autorisés à prendre des décisions au nom de ces personnes peuvent décider si leur participation serait appropriée. Pour les besoins de la Politique, le terme « tiers autorisé » (ou « tiers autorisé à décider ») désigne toute personne qui détient l’autorité légale nécessaire pour prendre des décisions au nom d’une personne qui n’a pas la capacité de décider si elle veut participer, ou continuer de participer, à un projet de recherche donné. Ces décisions font intervenir des considérations relatives à la préoccupation pour le bien-être et à la justice.
Pour certains types de recherches, il faut recourir à d’autres processus pour obtenir le consentement des participants. Ces processus sont également décrits dans le présent chapitre. Les chercheurs peuvent demander une modification des exigences relatives au consentement s’ils répondent aux critères de l’article 3.7A. Ces critères comprennent entre autres la nécessité de démontrer au CER qu’il est impossible, pratiquement impossible (voir le glossaire) ou inapproprié d’aborder la question de recherche sans apporter la modification demandée. S’il s’avère nécessaire d’adapter certains éléments du processus aux exigences d’un projet de recherche particulier, le CER peut jouer un rôle éducatif et consultatif dans la détermination du processus à mettre en application pour obtenir et maintenir le consentement. Le CER doit déterminer si les modifications demandées sont justifiées, ou si une autre solution pourrait permettre qu’il soit possible, réaliste et approprié de respecter les exigences normales de consentement.
Le responsable de l’équipe de recherche, également appelé « chercheur principal », est chargé de veiller au respect du processus de consentement. Il est aussi responsable des gestes posés par tous les membres de l’équipe de recherche qui participent au processus de consentement.
De plus, les chercheurs sont chargés de veiller au respect de toutes les exigences applicables prévues par les lois et les règlements en matière de consentement. Dans certains cas, les chercheurs peuvent avoir d’autres obligations juridiques, déterminées en partie par la nature de la recherche et la province ou le territoire où la recherche est menéeNote en bas de page 1.
A. Principes généraux
Le consentement doit être donné volontairement
Article 3.1
- Le consentement doit être donné volontairement.
- Le participant peut retirer son consentement en tout temps.
- Le participant qui retire son consentement peut aussi demander le retrait de ses données ou de son matériel biologique humain.
Application
a) Le caractère volontaire du consentement est important puisqu’il respecte la dignité humaine et signifie que la personne a choisi de participer à la recherche en fonction de ses valeurs, de ses préférences et de ses désirs.
La manière d’effectuer le recrutement est importante pour assurer un consentement libre. L’endroit, le moment et la façon d’aborder les participants, ainsi que le choix des personnes chargées de les recruter sont des éléments importants permettant d’assurer (ou pouvant compromettre) le caractère volontaire du consentement. Lorsqu’ils évaluent le caractère volontaire du consentement d’un participant, les CER et les chercheurs devraient être conscients des situations où il pourrait être menacé par une influence indue, une coercition ou des incitations.
Influence indue
Il peut y avoir manipulation ou influence indue lorsque le recrutement de participants éventuels se fait par des personnes qui sont en position d’autorité. L’influence des relations de pouvoir (p. ex. relation d’employeur à employé, d’enseignant à étudiant, de commandant à membre des forces armées, ou d’agent de correction à détenu) sur le consentement volontaire devrait être examinée du point de vue des participants éventuels, puisque les personnes recrutées peuvent se sentir obligées d’acquiescer aux désirs de ceux qui exercent un certain contrôle sur elles. Ce contrôle peut être physique, psychologique, financier ou professionnel, par exemple, et il peut s’accompagner d’une certaine forme d’incitation ou de menace. Dans de telles situations, le contrôle exercé dans une position de pouvoir peut soumettre les participants éventuels à des pressions indues. Le consentement ne peut pas être volontaire s’il est obtenu par ordre des autorités.
Les CER et les chercheurs devraient également accorder une attention particulière aux éléments de confiance et de dépendance dans les relations (p. ex. entre médecins et patients ou entre professeurs et étudiants). Ces relations peuvent exercer une influence indue sur la personne en situation de dépendance pour l’amener à participer à un projet de recherche. Toute relation de dépendance, même affectueuse, est propice à l’influence indue, même si cette influence ne s’exerce pas ouvertement. Les situations de dépendance continue ou importante peuvent comporter un risque accru d’influence indue.
La décision de participer ou non à un projet de recherche ou de s’en retirer ne doit pas porter atteinte aux droits préexistants d’accès aux soins, à l’éducation et aux autres services. Le médecin doit donc s’assurer, par exemple, que la continuité des soins cliniques n’est pas liée à la participation à la recherche. De même, si des étudiants ne souhaitent pas participer à une recherche en échange de crédits scolaires, ils devraient avoir la possibilité d’obtenir les crédits d’une autre façon semblable.
Coercition
La coercition est une forme extrême de pression ou d’influence indue comportant une menace de préjudice ou de punition en cas de refus de participer à une recherche. La coercition exclut la possibilité de consentir volontairement à participer à un projet de recherche ou à continuer d’y participer.
Incitation
L’incitation s’entend de toute offre, monétaire ou autre, faite au participant en échange de sa participation à la recherche. (Les incitations sont différentes des remboursements et de l’indemnisation en cas de dommage, dont il est question à l’alinéa 3.2 j].) Comme les incitations sont utilisées pour encourager la participation à un projet de recherche, elles sont un facteur important pour évaluer le caractère volontaire du consentement. Lorsque des incitations sont offertes aux participants, elles ne devraient pas être importantes ou attrayantes au point d’encourager la participation au mépris des risques. Cette considération est particulièrement pertinente dans le cas des volontaires en bonne santé qui participent aux premières phases d’essais cliniques, comme l’indique l’article 11.2. Dans certains contextes, les participants éventuels peuvent percevoir les incitations offertes comme une façon de gagner des faveurs ou d’améliorer leur situation. Cela équivaudrait à un encouragement indu et invaliderait de ce fait le caractère volontaire du consentement des participants.
La Politique ne recommande pas le recours aux incitations et ne le décourage pas non plus. Il incombe au chercheur de justifier auprès du CER l’utilisation d’un modèle particulier d’incitations et le niveau des mesures incitatives. Dans l’évaluation de la possibilité d’influence indue dans une recherche offrant des incitations financières ou autres, les chercheurs et les CER devraient être attentifs à certains facteurs comme la situation économique des personnes parmi lesquelles les participants éventuels seront choisis, l’âge et la capacité décisionnelle des participants, les coutumes et les pratiques de la communauté visée ainsi que l’ampleur et la probabilité des préjudices (section B du Chapitre 4). Les tuteurs et les tiers autorisés ne devraient pas recevoir d’incitations pour assurer la participation à la recherche de la personne qu’ils représentent. Ils peuvent toutefois accepter des incitations ou des indemnisations raisonnables au nom de cette personne, à condition qu’elles conviennent à la situation.
b) Afin de garantir le caractère volontaire du consentement, le participant doit être libre de retirer son consentement à participer à la recherche, sans avoir à se justifier. Il se peut cependant que, dans certains cas, les exigences pratiques du projet empêchent effectivement le participant de se retirer en cours de route. Par exemple, si le projet ne prévoit qu’une seule intervention ou si l’interruption de la procédure utilisée dans le cadre d’une recherche médicale risque de compromettre la sécurité du participant.
Le participant ne devrait pas subir d’inconvénients ni de représailles à la suite de son retrait. De plus, le paiement des sommes qui lui sont dues avant son retrait ne devrait pas être retenu. Si le projet de recherche offrait une incitation forfaitaire, le participant a droit à la totalité de la somme convenue. Lorsque le paiement est échelonné dans le temps, le participant doit recevoir une somme proportionnelle à la durée de sa participation.
c) Le processus de consentement devrait énoncer les circonstances qui ne permettent pas le retrait des données ou du matériel biologique humain après leur collecte. Dans certains projets de recherche, ce type de retrait peut être impossible (p. ex. lorsque les renseignements personnels sont anonymisés et intégrés à une banque de données). Les chercheurs doivent justifier auprès du CER l’utilisation de méthodes de collecte qui ne permettent pas le retrait ultérieur de données ou de matériel biologique humain. Lorsque les modalités de la recherche ne permettent pas le retrait des données ou du matériel biologique humain, l’identité des participants doit être protégée en tout temps pendant le projet et après sa conclusion. Les participants doivent également être informés qu’il est pratiquement impossible, voire impossible, de retirer les résultats après leur publication ou leur diffusion par d’autres moyens.
Le consentement doit être éclairé
Article 3.2
Les chercheurs doivent divulguer aux participants éventuels, ou aux tiers autorisés, tous les renseignements pertinents afin de leur permettre de prendre une décision éclairée quant à leur participation au projet de recherche.
Application
Au début de tout processus de consentement, les chercheurs (ou leurs représentants qualifiés) doivent communiquer aux participants éventuels les renseignements énumérés dans la liste ci-dessous, selon les besoins du projet de recherche. Tous les projets de recherche ne requièrent pas nécessairement l’ensemble des éléments énumérés. Cependant, des renseignements supplémentaires peuvent être nécessaires dans certains types de recherches ou dans certaines circonstances.
Si un chercheur décide de ne pas inclure certains éléments dont la divulgation est exigée, il devrait expliquer au CER pourquoi ces éléments ne s’appliquent pas à ce projet particulier. Il appartient au CER de vérifier si tous les éléments énumérés, ou des éléments supplémentaires, sont nécessaires au processus de consentement du projet de recherche.
Voici les renseignements généralement nécessaires pour permettre un consentement éclairé :
- l’information selon laquelle la personne est invitée à prendre part à un projet de recherche;
- un énoncé en langage clair précisant le but de la recherche, l’identité du chercheur, l’identité du bailleur de fonds ou du commanditaire, la nature et la durée prévue de la participation, la description des procédures de recherche et l’explication des responsabilités du participant;
- une description en langage clair des avantages potentiels et de tous les risques raisonnablement prévisibles associés à la participation à la recherche, en général et pour le participant en particulier;
- l’assurance que les participants éventuels :
- ne sont aucunement obligés de participer, et qu’ils ont le droit de se retirer en tout temps sans compromettre leurs droits acquis;
- recevront, en temps opportun tout au long du projet de recherche, l’information pertinente pour décider de continuer à participer au projet de recherche ou de s’en retirer;
- recevront de l’information sur leur droit de demander le retrait de leurs données ou de leur matériel biologique humain, ainsi que sur les limites relatives à la faisabilité de ce retrait;
- des renseignements sur la possibilité de commercialisation des résultats de la recherche, et sur l’existence de tout conflit d’intérêts réel, potentiel ou apparent chez les chercheurs, leurs établissements ou les commanditaires de la recherche;
- les mesures qui seront prises pour diffuser les résultats de la recherche et l’information sur la possibilité d’identification, directe ou indirecte, des participants;
- le nom et les coordonnées d’un représentant qualifié qui est en mesure d’expliquer les aspects scientifiques ou savants de la recherche aux participants;
- le nom et les coordonnées de personnes compétentes ne faisant pas partie de l’équipe de recherche avec qui les participants peuvent communiquer pour discuter de toute question d’éthique relative au projet de recherche;
- une indication des renseignements qui seront recueillis sur les participants et à quelle fin; une indication des personnes qui auront accès aux données recueillies sur l’identité des participants; la description des mesures qui seront prises pour protéger la confidentialité (article 5.2); la description des utilisations prévues des données; des renseignements indiquant qui pourrait être tenu de divulguer l’information recueillie et à qui cette information pourrait être divulguée;
- des renseignements sur les paiements, y compris les incitations destinées aux participants, le remboursement des dépenses liées à la participation et l’indemnisation en cas de préjudice;
- un énoncé indiquant que le consentement donné par le participant ne le prive d’aucun droit au recours judiciaire en cas de préjudice lié à la recherche;
- dans le cas des essais cliniques, des renseignements sur les règles d’arrêt et les circonstances dans lesquelles les chercheurs peuvent retirer le participant de l’essai.
Pour que le consentement soit éclairé, les participants éventuels doivent disposer d’une période de temps suffisante pour assimiler l’information reçue, poser toutes les questions qu’ils pourraient avoir, discuter et réfléchir avant de prendre une décision quant à leur participation. Le délai nécessaire pour cette phase initiale du processus de consentement dépend notamment de l’ampleur et de la probabilité des préjudices, de la complexité de l’information transmise ainsi que du contexte dans lequel l’information est communiquée au participant.
Pour qu’il y ait consentement éclairé, les participants éventuels doivent comprendre l’information que les chercheurs leur transmettent. Les chercheurs et les CER devraient réfléchir à la meilleure façon de communiquer cette information afin d’en faciliter la compréhension. Par exemple, la documentation écrite peut être accompagnée de matériel audio ou visuel, ou de présentations vidéo.
Quand des barrières linguistiques obligent à avoir recours à un intermédiaire pour faciliter la communication entre les participants et l’équipe de recherche, le chercheur fera appel à un intermédiaire qui possède les capacités langagières nécessaires pour assurer une communication efficace (article 4.1). La présence d’un intermédiaire pour la communication peut soulever des problèmes de confidentialité (article 5.2).
Les alinéas a), b) et c) obligent les chercheurs à expliquer clairement la nature et les objectifs de la recherche et à communiquer les autres renseignements essentiels de la manière la plus susceptible d’en faciliter la compréhension par les participants éventuels.
L’alinéa b) exige la divulgation du nom des intervenants qui appuient un projet de recherche à titre de bailleurs de fonds ou de commanditaires. Pour les chercheurs, il est contraire à l’éthique de s’impliquer dans des activités clandestines pour le compte de services de renseignements, de corps policiers ou de forces armées sous le couvert de la recherche.
L’alinéa c) oblige les chercheurs à envisager tous les risques raisonnablement prévisibles qui pourraient découler de la participation à la recherche. Si la recherche vise une organisation ou une communauté, les chercheurs devraient informer les participants éventuels au sein de cette organisation ou de cette communauté du degré de collaboration à la recherche de l’organisation ou de la communauté en question et des risques que cette collaboration pourrait poser aux participants.
L’alinéa d) contribue à assurer que le choix du participant éventuel de participer à la recherche est volontaire. Cet alinéa appuie également l’exigence selon laquelle le processus de consentement doit être continu tout au long de la recherche. Le processus de consentement devrait énoncer les circonstances qui ne permettent pas le retrait des données ou du matériel biologique humain après leur collecte (alinéa 3.1 c]).
L’alinéa e) a pour objet la gestion des conflits d’intérêts réels, potentiels ou apparents. Dans la mesure du possible, les chercheurs devraient dissocier leur rôle de chercheur de leurs autres rôles, comme thérapeute, soignant, enseignant, conseiller, consultant, superviseur, employeur ou autre. Les chercheurs qui assument plus d’un rôle doivent toujours en informer les participants. Les conflits d’intérêts sont traités plus en détail au Chapitre 7.
L’alinéa f) exige que les chercheurs donnent une explication raisonnable des mesures qu’ils prendront pour publier les résultats de la recherche ou les diffuser par d’autres moyens – dans la mesure du possible et d’une façon appropriée. Au-delà de l’obligation éthique de diffuser les résultats dans des domaines tels que les essais cliniques, cette exigence repose sur une attente raisonnable de la part des participants de voir les résultats de la recherche publiés ou diffusés d’une façon ou d’une autre, au profit de l’avancement des connaissances dans la société (plus de précisions dans les articles 11.10 et 4.8). Pour ce qui est de la recherche impliquant les Autochtones et de la divulgation des renseignements qui s’y rapportent, voir le Chapitre 9.
L’alinéa h) reconnaît que certains établissements peuvent nommer un protecteur des participants (ombudsman) ou désigner une personne-ressource pour répondre aux demandes, recevoir les plaintes et les transmettre au CER. Cette question relève de la compétence des établissements.
L’alinéa i) traite des questions portant sur la vie privée et la confidentialité, sur l’utilisation secondaire des données et sur la possibilité que le chercheur soit obligé de divulguer des renseignements à des tiers pour des raisons administratives ou juridiques. Voir le Chapitre 5, et notamment l’article 5.2, pour en savoir plus à ce sujet.
L’alinéa j) vise à assurer que les participants soient informés des paiements qu’ils recevront, le cas échéant, pour leur participation. Le remboursement des dépenses liées à la participation est destiné à empêcher les participants d’être directement ou indirectement désavantagés financièrement en raison du temps qu’ils consacrent au projet de recherche et des désagréments que cela entraîne. Les dépenses directes sont les dépenses engagées à cause de la participation à la recherche (p. ex. les frais de transport vers le lieu où se déroule la recherche ou les frais de stationnement). Les dépenses indirectes correspondent aux pertes liées à la participation (p. ex. absences du travail non rémunérées). Les participants devraient aussi être informés des indemnisations auxquelles ils auraient droit en cas de préjudice lié au projet de recherche.
L’alinéa l) vise à informer le participant éventuel à des essais cliniques des circonstances dans lesquelles les chercheurs peuvent mettre fin à sa participation au projet de recherche. Les essais cliniques prévoient des règles d’arrêt, c’est-à-dire des résultats statistiquement significatifs et des critères d’innocuité déterminés à l’avance qui, une fois atteints, imposent l’arrêt de l’essai. Le chercheur peut par ailleurs retirer de l’essai des participants pour des raisons de sécurité ou s’ils ne respectent pas les procédures de l’essai clinique (article 11.6).
Le consentement doit être continu
Article 3.3
Le consentement doit être maintenu tout au long du projet de recherche. Les chercheurs ont le devoir permanent de communiquer aux participants toute information relative à leur consentement continu à participer à la recherche.
Application
Le consentement s’inscrit dans un processus qui débute par le contact initial (p. ex. le recrutement) et se poursuit jusqu’à la fin de la participation à la recherche. Tout au long de ce processus, les chercheurs ont le devoir permanent de fournir aux participants et aux CER l’information relative au consentement continu des participants à la recherche. Le chercheur a l’obligation éthique et légale constante de signaler aux participants les modifications apportées au projet de recherche qui pourraient avoir une incidence pour eux. Ces modifications peuvent avoir des implications éthiques, avoir une incidence sur leur décision de continuer à participer à la recherche ou être applicables à la situation particulière de certains participants. Plus particulièrement, les chercheurs doivent divulguer les modifications liées aux avantages potentiels ou aux risques de la recherche. Les participants auront ainsi la possibilité de reconsidérer les motifs de leur consentement à la lumière des nouveaux renseignements.
Plutôt que d’aborder le consentement en fonction de l’âge, l’EPTC 2 (2018) préconise de tenir compte de la capacité décisionnelle des participants, à condition que cela n’entre pas en conflit avec les lois régissant la participation à la recherche. Il arrive que des enfants commencent à participer à un projet sur la base du consentement donné par un tiers autorisé (parce qu’il avait été déterminé qu’ils n’avaient pas la capacité de décider eux-mêmes) et de leur propre assentiment (article 3.10). Si ces enfants acquièrent la maturité voulue pour décider eux-mêmes (sous réserve des exigences de la loi), le chercheur doit demander leur consentement autonome pour que leur participation se poursuive. De même, dans le cas d’enfants qui ne sont pas aptes à donner leur assentiment à leur participation (p. ex. des enfants en bas âge) au début d’une recherche, le chercheur doit demander leur assentiment à poursuivre leur participation une fois qu’ils sont capables de comprendre l’objet de la recherche ainsi que ses risques et ses avantages.
Découvertes fortuites
Une « découverte fortuite » est une découverte sur les participants ou les participants éventuels à une recherche qui est faite au cours de la recherche, mais qui en dépasse le cadre. Les découvertes fortuites sont significatives s’il est raisonnablement déterminé qu’elles ont des conséquences importantes pour le bien-être du participant ou du participant éventuel. Des découvertes fortuites significatives peuvent être faites à n’importe quelle étape de la recherche, notamment lors de la sélection de personnes répondant aux critères d’inclusion, pendant la collecte des renseignements de base, lors de l’étude ou pendant les évaluations de suivi.
Article 3.4
Dans les limites du consentement donné par le participant, les chercheurs doivent faire part au participant de toute découverte fortuite significative faite au cours d’une rechercheNote en bas de page 2.
Application
Détermination du caractère significatif
Il faut posséder l’expertise pertinente pour pouvoir déterminer si une découverte fortuite est significative. Si les chercheurs n’ont pas cette expertise, s’ils ne sont pas certains de l’interprétation à donner à leur découverte ou s’ils s’interrogent sur le caractère significatif de leur découverte, ils devraient consulter des experts du domaine de la découverte ou se référer aux pratiques et aux normes professionnelles.
Gestion des découvertes fortuites significatives prévisibles et non prévisibles
On peut faire des découvertes fortuites dans tous les types de recherches. Dans certains domaines de recherche, comme la génétique ou la génomique et la recherche faisant appel à l’imagerie, les découvertes fortuites significatives peuvent être raisonnablement prévisibles dans la population cible de l’étude. Lorsque des découvertes fortuites significatives sont prévisibles, les chercheurs doivent informer les participants, dans le cadre du processus de consentement initial, de la probabilité de faire des découvertes fortuites significatives, et le cas échéant, ils devraient fournir des renseignements sur leur stratégie pour divulguer ces découvertes aux participants. De plus, les chercheurs devraient élaborer un plan de gestion et le présenter au CER pour évaluation. Dans le cas de la recherche en génétique, les chercheurs doivent élaborer un plan de gestion de l’information qui est susceptible d’émerger de leur recherche, et présenter ce plan au CER pour évaluation (article 13.2).
Dans les autres domaines de recherche, les découvertes fortuites significatives peuvent ne pas être raisonnablement prévisibles, mais peuvent survenir de façon inattendue pendant la recherche. Lorsqu’une découverte fortuite est faite, le chercheur doit déterminer si la découverte est significative, et la signaler au CER conformément aux lignes directrices de l’article 6.15. Le chercheur devrait décrire le processus utilisé pour déterminer le caractère significatif de la découverte et présenter un plan pour la divulgation de cette découverte aux participants.
Que les découvertes fortuites significatives soient prévisibles ou non, le CER devrait évaluer le plan du chercheur pour la divulgation des découvertes fortuites aux participants. S’il n’est pas certain qu’un tel plan est requis pour un projet de recherche donné, le chercheur peut le déterminer au cas par cas en collaboration avec le CER. La décision finale sur la nécessité de présenter un tel plan revient au CER.
Consentement et dérogation au consentement
Lorsqu’une découverte fortuite significative est faite, le principe de la préoccupation pour le bien-être oblige les chercheurs à la signaler aux participants concernés. Afin de respecter l’autonomie des participants, les découvertes fortuites significatives ne peuvent être signalées que si les participants ou leurs tiers autorisés ont consenti à en être avisés, initialement ou dans le cadre du processus de consentement continu. Voir les articles 3.1, 3.2 et 3.3 pour le processus de consentement et l’article 13.3 pour la recherche en génétique humaine.
Lorsque les chercheurs se sont engagés, au cours du processus de consentement, à ne pas divulguer les découvertes fortuites significatives et qu’ils font une découverte fortuite significative non prévisible qui peut faire l’objet d’une intervention potentiellement très bénéfique, les chercheurs devraient consulter leur CER afin de déterminer s’il y a une base éthique suffisante pour divulguer la découverte au participant et, le cas échéant, la façon de le faire.
Il peut y avoir certaines limitations au consentement du participant à être avisé des découvertes fortuites significatives. Par exemple, dans le cas des enfants, les tiers autorisés, qui selon la loi doivent toujours exercer leur autorité dans le meilleur intérêt des enfants, doivent être avisés de toutes les découvertes qui peuvent faire l’objet d’une intervention immédiatement ou pendant l’enfance du participant.
Les chercheurs devraient faire preuve de sollicitude et de sensibilité au moment de déterminer par qui et comment seront divulguées les découvertes fortuites significatives qui peuvent avoir un effet négatif sur le bien-être des participants. Les chercheurs devraient aider les participants à comprendre les découvertes fortuites significatives. Ils peuvent notamment suggérer aux participants de demander l’avis de personnes en qui ils ont confiance, comme des membres de leurs familles, des amis, des spécialistes ou des professionnels. Au besoin, les chercheurs devraient référer les participants à un professionnel compétent pour qu’ils puissent discuter des implications potentielles des découvertes fortuites significatives pour leur bien-être.
Dans certains cas, les découvertes fortuites peuvent entraîner des obligations légales en matière de déclaration. Les chercheurs devraient connaître ces obligations et, dans le cadre du processus de consentement initial, ils devraient informer les participants des limites de la confidentialité (article 5.1).
Exceptions à l’obligation de divulgation
Les chercheurs peuvent demander une exception à leur obligation de divulguer les découvertes fortuites significatives aux participants pour le motif qu’il serait pratiquement impossible ou impossible de le faire. Le terme « pratiquement impossible » réfère à un niveau de difficulté tellement grand ou excessif que la conduite de la recherche est menacée; il ne s’agit pas simplement d’inconvénients. La divulgation peut être impossible ou pratiquement impossible si les participants ou leurs tiers autorisés sont probablement décédés ou qu’ils sont difficiles à retrouver à cause du temps écoulé, du manque de renseignements identificatoires ou de coûts trop élevés. Il incombe au chercheur de justifier au CER la nécessité d’une exception.
Le consentement doit précéder la collecte ou la consultation des données de recherche
Article 3.5
La recherche ne doit débuter qu’après que les participants, ou les tiers autorisés, ont donné leur consentement.
Application
Conformément au principe de respect des personnes, les participants doivent donner leur consentement avant de s’engager dans une recherche. Ils démontrent ainsi clairement qu’ils ont tenu compte des avantages potentiels et des risques du projet de recherche ainsi que des autres principes énoncés dans la Politique avant de décider de participer à la recherche.
Il y a toutefois des exceptions à cette obligation éthique générale. Elles sont énoncées aux articles 3.7A et 3.8.
Le présent article ne s’applique pas aux conversations que les chercheurs peuvent avoir avec les participants éventuels, à l’étape de l’élaboration de leur projet de recherche. Ces conversations préliminaires, qui peuvent comprendre la négociation des conditions dans lesquelles un chercheur pourra prendre contact avec une communauté ou un groupe particulier, ne constituent pas une activité de recherche à proprement parler et n’exigent donc pas de consentement (Chapitre 2, article 6.11, articles 9.3 à 9.6 et article 10.1).
Démarche critique
Article 3.6
Dans le cas d’une recherche comportant une démarche critique, il n’est pas nécessaire d’obtenir la permission de l’établissement, de l’organisation ou de tout autre groupe faisant l’objet de la recherche. Si le chercheur sollicite la participation de membres du groupe visé sans la permission de ce groupe, il doit informer les participants de tout risque prévisible que pourrait poser leur participation.
Application
Lorsque la recherche prend la forme d’une démarche critique, c’est-à-dire l’analyse de structures ou d’activités sociales, de politiques publiques ou d’autres phénomènes sociaux, l’évaluation du consentement doit être adaptée en conséquence. Si l’objectif de la recherche est d’adopter une perspective critique envers un établissement, une organisation ou tout autre groupe, le fait que l’établissement, l’organisation ou le groupe à l’étude ne donne pas son appui à la recherche ne devrait pas empêcher l’approbation éthique du projet. S’il s’agit d’un projet de recherche en sciences humaines comportant une critique ou une remise en question des politiques et des pratiques d’institutions, de pouvoirs publics, de groupes d’intérêts ou d’entreprises, les chercheurs n’ont pas besoin d’obtenir la permission des organisations en question pour mener le projet de recherche. Si l’approbation des organisations concernées était nécessaire, il est peu probable que des recherches puissent être réalisées sur des thèmes tels que les agressions sexuelles en milieu institutionnel ou les efforts des gouvernements pour faire taire les scientifiques dissidents. D’importantes connaissances et leçons découlant de telles recherches seraient ainsi sacrifiées. Les exigences particulières s’appliquant aux organisations des Premières Nations, des Inuits ou des Métis sont décrites en détail aux articles 9.4 à 9.8.
Les chercheurs et les CER devraient être conscients que les établissements, les organisations ou les autres groupes à l’étude pourraient avoir des exigences limitant l’accès à leurs installations et aux participants. Par exemple, les conseils scolaires, les communautés autochtones (Chapitre 9), les services correctionnels ou les groupes communautaires pourraient avoir des mécanismes ou des lignes directrices en la matière. Pour de plus amples renseignements, voir l’article 8.3. Néanmoins, les CER ne devraient pas interdire certaines recherches simplement parce qu’elles ne sont pas populaires ou parce qu’une communauté ou une organisation située au Canada ou à l’étranger n’y est pas favorable. De même, les CER ne devraient pas refuser une recherche pour le motif que le régime en place ou ses représentants n’ont pas approuvé le projet de recherche ou ont exprimé leur antipathie à l’égard des chercheurs.
Cependant, les personnes qui sont invitées à participer à un projet de recherche visant leur organisation devraient être pleinement informées de l’opinion des dirigeants de l’organisation sur le projet de recherche en question, si cette opinion est connue. S’ils n’ont pas la permission de l’organisation concernée pour mener la recherche, les chercheurs doivent en avertir les participants. Les chercheurs qui entreprennent une démarche critique doivent être attentifs aux risques de stigmatisation et d’atteinte à la vie privée des personnes qui participent à une recherche visant leur organisation. Il est particulièrement important d’informer pleinement les participants éventuels des conséquences possibles de leur participation.
Toutefois, dans de telles circonstances, les CER devraient se préoccuper légitimement du bien-être des participants et de la sécurité du matériel de recherche. Si les participants sont exposés à des risques engendrés par des tiers (p. ex. régime autoritaire, chef de gang, employeur) à cause de leur participation à la recherche, les chercheurs devraient s’assurer de conserver en lieu sûr des copies des renseignements recueillis sur le terrain. Au moment de partager avec les participants le matériel de recherche comme les formulaires de consentement et les transcriptions des notes prises sur le terrain, les chercheurs doivent respecter leur engagement à protéger la confidentialité des renseignements et l’anonymat des participants pour éviter de compromettre les droits de la personne et les principes éthiques énoncés dans la Politique. En général, quel que soit l’endroit où s’effectue la recherche, les chercheurs et les CER devraient s’assurer de protéger l’information pendant sa transmission (articles 5.1 à 5.4).
Les CER devraient également savoir que certaines recherches, comme les recherches comprenant une évaluation critique d’entreprises ou d’institutions publiques ou politiques et de personnalités publiques liées à celles-ci, peuvent légitimement aller à l’encontre du bien-être de ces personnes en position de pouvoir et leur causer un préjudice. Comme de telles recherches peuvent avoir un intérêt public incontestable, il ne faudrait pas y faire obstacle en recourant à une analyse risques-avantages. Ces recherches devraient respecter les normes professionnelles des disciplines ou domaines de recherche en question. L’article 3.2 s’applique lorsqu’une personne en position de pouvoir est invitée à répondre à des questions ou si elle donne accès à des documents privés, puisqu’elle devient alors un participant au sens de la Politique. Voir également les articles 3.12, 9.7 et 10.2. Dans ce cas, il faut surtout considérer les risques qui se posent pour les personnes visées par la recherche en même temps que les avantages éventuels des nouvelles connaissances pour la société et les avantages indirects pour la population touchée par l’entreprise ou l’institution publique ou politique à laquelle appartient le participant.
B. Dérogations aux principes généraux du consentement
Les articles 3.1 à 3.5 établissent les exigences de base pour l’obtention du consentement des personnes à participer à une recherche. Cependant, il y a certaines questions de recherche auxquelles on ne peut pas répondre sans modifier les exigences relatives au consentement. Par exemple, une étude sur les facteurs faisant qu’une personne choisit de rendre ou non un portefeuille qu’un passant perd sous ses yeux ne pourrait pas être menée à bien si les participants savaient que le chercheur les observe et que le passant est son complice. Les exigences relatives au consentement peuvent être modifiées de façon à permettre de ne renseigner qu’en partie les participants éventuels sur l’objet de l’étude, de les tromper sur l’objet de l’étude ou de ne pas les informer qu’ils (ou leurs données ou leur matériel biologique) font l’objet d’une étude.
L’article 3.7A énonce les conditions qu’un chercheur doit respecter pour qu’un CER approuve une recherche comprenant une modification des exigences relatives au consentement. L’absence de consentement préalable ou de consentement pleinement éclairé peut être palliée par un débriefing mené aussitôt que possible après la participation à la recherche, dans un délai qui permet aux participants de retirer leurs données ou leur matériel biologique (lorsque c’est possible, réaliste [voir le glossaire] et approprié). L’article 3.7B donne des lignes directrices pour le débriefing dans les situations où il y a modification des exigences relatives au consentement.
Modifications des exigences relatives au consentement
Article 3.7A
Le CER peut approuver une recherche qui fait appel à une modification des exigences relatives au consentement énoncées aux articles 3.1 à 3.5 à condition que le CER soit convaincu et obtienne la preuve que :
- la recherche comporte tout au plus un risque minimal pour les participants;
- la modification des exigences relatives au consentement risque peu d’avoir des conséquences négatives sur le bien-être des participants;
- compte tenu du devis de recherche, il est impossible ou pratiquement impossible (voir le glossaire) de mener à bien la recherche et de répondre de manière satisfaisante à la question de recherche si le consentement préalable des participants est requis;
- la nature et la portée précises de toutes les modifications proposées sont décrites;
- le plan prévoyant un débriefing (le cas échéant) et permettant éventuellement aux participants de refuser de donner leur consentement et de retirer leurs données ou leur matériel biologique respecte l’article 3.7B.
Application
Dans les circonstances décrites à l’article 3.7A, la nature de la recherche peut justifier certaines modifications aux exigences relatives au consentement si les avantages potentiels l’emportent sur les risques prévisibles. Comme il est énoncé aux alinéas a) et b), le risque pour les participants doit correspondre tout au plus à la définition d’un risque minimal (section B du chapitre 2), et il faut que la modification des exigences risque peu d’avoir des conséquences négatives sur le bien-être des participants. Il faut notamment tenir compte des avantages potentiels que peuvent obtenir les participants, le groupe auquel ils appartiennent ou la société en général. Il faut noter que dans l’alinéa c), « pratiquement impossible » réfère à un niveau de difficulté tellement grand ou excessif que la conduite de la recherche est menacée. Il ne s’agit pas simplement d’inconvénients (voir le glossaire). Les chercheurs doivent décrire clairement la nature et la portée de toutes les modifications proposées (alinéa d]), et leurs plans relatifs au débriefing des participants doivent respecter l’alinéa e). Il incombe aux chercheurs de convaincre leur CER de la nécessité de toute modification des exigences relatives au consentement.
Les modifications des exigences relatives au consentement ne devraient être permises que dans la mesure nécessaire. Si les buts de la recherche peuvent être réalisés avec un plan qui permet une divulgation préalable complète – ou plus complète – (conformément aux articles 3.1 à 3.5), ce plan doit être adopté. Les CER doivent comprendre, cependant, que certaines méthodes de recherche exigent un processus de consentement différent; il leur revient de déterminer si les besoins liés au projet de recherche justifient une modification des exigences relatives au consentement. Afin de décider s’ils permettent ou non la modification des exigences relatives au consentement, les CER doivent tenir compte à la fois des modifications proposées et du plan proposé pour le débriefing ou de la justification invoquée pour omettre le débriefing. Autrement dit, les lignes directrices des articles 3.7A et 3.7B doivent être prises en compte globalement pour juger de l’acceptabilité éthique d’une modification des exigences relatives au consentement.
Il faut préciser que dans le cas de certains essais cliniques randomisés à double insu, ni les participants ni les chercheurs ne savent à quel traitement les participants seront soumis. À condition que les participants soient informés de la probabilité qu’ils soient affectés à un ou l’autre des groupes de l’essai, cette assignation aléatoire à double insu n’est pas considérée comme une modification des exigences relatives au consentement.
Recherche avec divulgation partielle ou duperie
Certaines recherches en sciences sociales, notamment en psychologie, visent à découvrir les réactions humaines à des situations créées pour les besoins d’une étude expérimentale. Certains types de recherches ne peuvent être menées que si les participants ne connaissent pas à l’avance le but véritable de la recherche. Par exemple, on peut supposer que certaines recherches en sciences sociales centrées sur l’examen critique du fonctionnement interne d’institutions qui doivent rendre des comptes au public ne pourraient jamais être entreprises sans un recours limité à la divulgation partielle. Dans certaines recherches faisant appel à la divulgation partielle ou à la duperie, il est possible qu’on demande aux participants d’effectuer une tâche sans leur mentionner tous les éléments qui seront observés. La recherche faisant appel à la duperie peut utiliser différentes techniques, comme la communication aux participants de renseignements erronés sur eux-mêmes, les événements, les conditions sociales ou les buts de la recherche. Pour que ces techniques puissent être exemptées de la règle générale de la divulgation complète qui s’applique au consentement, il faut que la recherche respecte toutes les exigences de l’article 3.7A.
Exception à l’obligation de solliciter le consentement préalable
Dans les circonstances décrites à l’article 3.7A, un CER peut autoriser une exception à l’obligation pour les chercheurs de solliciter le consentement des participants avant la collecte de données ou de matériel biologique humain. Les chercheurs doivent démontrer que cette modification des exigences relatives au consentement est nécessaire pour répondre à la question de recherche, et que l’absence de consentement préalable n’aura pas de conséquence négative sur le bien-être des participants. Ils doivent aussi démontrer que les avantages de la recherche, qu’ils soient directs, indirects ou sociétaux, justifient tous les risques associés à l’absence de consentement préalable. Par exemple, une étude de l’effet de toxines environnementales sur les membres de communautés voisines pourrait recourir à l’analyse des toxines présentes dans les bouts de cheveux recueillis chez les coiffeurs de ces communautés. Les chercheurs pourraient soutenir que la collecte et l’analyse des bouts de cheveux ne posent aucun risque pour les participants, que le fait de solliciter le consentement préalable à l’utilisation des bouts de cheveux risquerait d’engendrer chez les membres de ces communautés une panique générale face aux toxines environnementales, et que les avantages potentiels de l’identification des toxines environnementales pour permettre de les supprimer justifient cette façon d’aborder la question de recherche.
Les CER doivent déterminer s’il est dans l’intérêt des participants d’être informés de la recherche (et dans quelle mesure) sinon à l’avance, alors par la suite (article 3.7B). Si le devis de recherche ne prévoit ni consentement préalable ni débriefing, les participants pourraient ne jamais savoir qu’ils ont participé à une étude. Voilà qui soulève des questions d’éthique quelque peu différentes de celles découlant des autres modifications des exigences relatives au consentement. En effet, ces participants n’auraient aucune possibilité de poser des questions sur la nature et l’objet de l’étude, ni de demander le retrait de leurs données ou de leur matériel biologique (lorsque c’est possible, réaliste [voir le glossaire] et approprié). Compte tenu de ces enjeux, le CER devrait soumettre à un examen de niveau plus élevé (article 2.9) la justification d’une exception à l’obligation de solliciter le consentement préalable et d’une exception à l’obligation de prévoir un débriefing (article 3.7B).
Il faut noter que l’article 3.7A ne traite pas de l’exception à l’obligation de solliciter le consentement préalable pour l’utilisation secondaire de renseignements identificatoires; cette question est abordée à l’article 5.5A.
Vulnérabilité des participants dans le contexte de la recherche
Lorsqu’ils examinent la nécessité d’une modification des exigences relatives au consentement, les chercheurs et les CER devraient aussi se demander si les participants éventuels (à titre individuel ou en tant que membres d’un groupe ou d’une population) se trouvent dans des circonstances qui peuvent les rendre vulnérables dans le contexte de la recherche (article 4.7). L’existence de telles circonstances peut exiger des efforts particuliers en vue de minimiser les risques pour les participants ou de maximiser les avantages potentiels (section B du chapitre 2).
Recherche en santé publique et des populations
En raison de la nature de la question de recherche et de la nécessité de mettre à l’essai des interventions se situant au niveau de la population, certaines études en santé publique et des populations ne peuvent pas être réalisées avec un consentement éclairé préalable. Par exemple, un essai randomisé par grappes comparant deux campagnes antitabac distinctes menées dans deux ou plusieurs communautés n’apporterait pas de réponse à la question de recherche si le processus de consentement révélait aux membres des communautés la tenue de la campagne et l’existence d’autres campagnes dans différentes communautés, puisque la réaction du groupe aux campagnes pourrait en être influencée. De même, dans une étude comparant différents types d’installations de traitement des eaux, il ne serait pas possible d’obtenir un consentement éclairé individuel pour le type de traitement de l’eau dont bénéficiera chaque personne dans une communauté. Les chercheurs devraient toutefois chercher à obtenir la participation de la communauté avant la collecte de données (Chapitre 9).
Il incombe aux chercheurs d’expliquer convenablement pourquoi leur question de recherche ne peut pas être étudiée sans une exception à l’obligation de solliciter le consentement préalable. Il est conseillé aux CER de recourir à des experts en santé publique et des populations pour l’évaluation de ce type de recherche (articles 6.4 et 6.5).
Les interventions au niveau de la communauté contrôlées par des chercheurs qui ont obtenu l’autorisation de procéder sans consentement ou sans processus de participation de la communauté pourraient, par inadvertance, toucher des personnes ne répondant pas aux critères d’inclusion de l’étude. Les chercheurs et les CER devraient déterminer si cette exposition pose des risques pour les personnes, et le cas échéant, étudier des façons de limiter l’exposition. Par exemple, l’utilisation de méthodes d’observation, de données de recensement ou d’une source informée sur la communauté pourrait aider les chercheurs à identifier les membres de la communauté qui devraient être exclus de l’étude (p. ex. en ne les visitant pas ou en n’envoyant pas de dépliant à leur adresse). Dans le cas d’interventions qui ne peuvent pas passer inaperçues, ou qui touchent l’ensemble de la communauté (p. ex. panneaux publicitaires, radiodiffusions), il n’y a aucune façon d’exclure les membres de la communauté qui ne sont pas visés ou les visiteurs se trouvant dans la communauté. En conséquence, le CER devrait être convaincu que le risque d’exposition à l’intervention par inadvertance est minimal.
Débriefing dans le contexte d’une modification des exigences relatives au consentement
Article 3.7B
- Un débriefing doit être prévu dans toute recherche où il y a modification des exigences relatives au consentement (article 3.7A) quand il est possible, réaliste et approprié de le faire.
- Les participants à de telles recherches doivent avoir l’occasion de refuser de donner leur consentement et de demander le retrait de leurs données ou de leur matériel biologique quand il est possible, réaliste et approprié de le faire (article 3.1).
Application
Débriefing
S’il y a eu modification des exigences relatives au consentement, le débriefing est important pour conserver la confiance des participants à l’égard du milieu de la recherche. Le débriefing dans ce contexte peut souvent consister en une divulgation simple et directe des renseignements décrits à l’article 3.2. Afin de prévoir la possibilité que les participants demandent le retrait de leurs données ou de leur matériel biologique une fois renseignés sur les détails de l’étude (voir la section Possibilité de demander le retrait de données ou de matériel biologique humain après le débriefing, dans les présentes notes d’application), le débriefing devrait avoir lieu quand il est encore possible de donner cette possibilité aux participants (p. ex. avant la fusion ou l’anonymisation des données).
Les chercheurs doivent expliquer pourquoi ils ont initialement fait croire aux participants que la recherche ou certains de ses aspects avaient un but différent, ou pourquoi la divulgation faite aux participants n’était pas complète. Dans les cas où le consentement des participants n’a pas été sollicité avant la collecte de données ou de matériel biologique humain, les chercheurs doivent expliquer pourquoi cette exception aux exigences relatives au consentement était nécessaire. Ils doivent donner des précisions sur l’importance de la recherche et sur la nécessité de recourir à des modifications des exigences relatives au consentement, et répondre à toute question soulevée par les participants. Pour dissiper tout malentendu possible, les chercheurs doivent expliquer pourquoi il fallait procéder de cette façon afin d’obtenir des résultats scientifiquement valides. Au cours du débriefing, les chercheurs devraient être attentifs et sensibles aux besoins, aux sentiments, aux réactions et aux préoccupations des participants. Les CER devraient évaluer les risques et les avantages du débriefing lui-même, et déterminer si le plan proposé est approprié pour les participants – surtout pour ceux que les circonstances peuvent rendre vulnérables dans le contexte de la recherche ou qui sont inaptes à donner leur consentement.
Lorsqu’il n’est pas approprié de communiquer tous les détails de la recherche dans un débriefing, le niveau de détail devrait être déterminé en fonction de l’incidence de l’information sur les risques prévisibles et les avantages potentiels pour le participant. Il devrait aussi être proportionnel à la nature délicate de la question, et adapté en fonction de la capacité décisionnelle des participants. Par exemple, dans la recherche avec des enfants inaptes à donner leur consentement, il pourrait être plus approprié d’offrir le débriefing tant aux parents, aux tuteurs ou aux tiers autorisés qu’aux participants. Le débriefing devrait être mené en tenant compte de la capacité des participants de comprendre l’information fournie. Dans certains cas, il peut être justifié d’exclure les enfants d’un débriefing (p. ex. quand le débriefing porte sur des constatations revêtant un caractère délicat pour l’enfant, comme sa capacité intellectuelle). Dans d’autres cas, il pourrait être approprié d’offrir un débriefing à toute la famille ou à toute la communauté. Il n’est pas toujours possible ou réaliste de donner immédiatement un débriefing complet à toutes les personnes qui ont fourni des données. Dans les études où la collecte de données se déroule sur une longue période, il faut parfois reporter le débriefing jusqu’à la fin du projet.
Possibilité de demander le retrait de données ou de matériel biologique humain après le débriefing
Lors du débriefing, les participants devraient, lorsque c’est possible, réaliste et approprié, pouvoir donner ou refuser de donner leur consentement ou leur assentiment à ce que leurs données ou leur matériel biologique continuent d’être utilisés. Si des participants expriment des préoccupations au sujet de leur participation au projet, le chercheur doit s’y attarder (p. ex. en expliquant la raison d’être du devis de recherche ou en répondant à leurs questions sur l’utilisation des données ou le respect de la vie privée). Que les participants expriment ou non des préoccupations, le chercheur doit leur donner la possibilité de retirer leurs données ou leur matériel biologique, à moins que cette option soit impossible, pratiquement impossible ou inappropriée (voir le glossaire).
Pour déterminer s’il est acceptable sur le plan éthique de ne pas permettre le retrait de données ou de matériel biologique humain, les CER doivent d’abord déterminer si le retrait de données est possible ou réaliste. Si les chercheurs entendent recueillir des données ou du matériel biologique humain sans renseignements identificatoires ou s’ils prévoient supprimer tous les renseignements identificatoires, il ne sera peut-être pas possible de retirer les données associées à des personnes en particulier. Les chercheurs doivent justifier l’utilisation de méthodes de collecte qui ne permettent pas le retrait ultérieur de données ou de matériel biologique humain. Les CER doivent aussi déterminer si la possibilité de retirer des données est appropriée. Dans certains types de recherches, le retrait de données ou de matériel biologique humain pourrait fausser les résultats, invalider l’étude et priver la société d’avantages potentiels. L’invalidation des conclusions d’une étude peut aussi constituer un manque de respect à l’égard de la contribution des autres participants. Il incombe toutefois aux chercheurs de convaincre le CER que le retrait de données ou de matériel biologique humain par certains participants menacerait la validité de leur recherche.
Lorsque les modalités du projet de recherche ne permettent pas de retirer les données associées à un participant, en l’absence de consentement des participants, l’identité des participants doit être protégée en tout temps pendant le projet. Les participants qui expriment des préoccupations à propos du déroulement du projet de recherche au moment du débriefing ou qui contestent les limites imposées au retrait de leurs données devraient obtenir les coordonnées du CER qui a approuvé la recherche. Les chercheurs doivent signaler au CER les préoccupations à propos du déroulement du projet de recherche exprimées par les participants pendant le débriefing.
Exception à l’obligation d’offrir un débriefing
Dans certaines circonstances, la tenue d’un débriefing peut être impossible, pratiquement impossible ou inappropriée dans une recherche où il y a eu modification des exigences relatives au consentement. Il faut noter que le terme « pratiquement impossible » réfère à un niveau de difficulté tellement grand ou excessif que la conduite de la recherche est menacée. Il ne s’agit pas simplement d’inconvénients. Il incombe au chercheur de convaincre le CER que dans sa recherche, les circonstances rendent la tenue d’un débriefing impossible, pratiquement impossible ou inappropriée.
Pour déterminer s’il y a lieu d’accorder une exception à l’obligation d’offrir un débriefing, les CER devraient tenir compte de l’importance du préjudice que le débriefing pourrait causer au participant et de son incidence sur la faisabilité de la recherche. Quand ils demandent une exception à l’obligation d’offrir un débriefing, les chercheurs doivent aussi présenter un plan pour communiquer l’information sur l’étude aux participants ou à leurs communautés (p. ex. dans les médias locaux ou par la poste). Ce plan revêt une importance particulière lorsque les conclusions risquent d’avoir une incidence sur le bien-être des participants.
Consentement à la recherche en cas d’urgence médicale individuelle
La présente section traite de la dispense de consentement lorsqu’une personne ayant besoin de soins médicaux d’urgence est incapable de donner son consentement à une recherche parce qu’elle est inconsciente ou qu’elle a perdu sa capacité décisionnelle, et que le délai nécessaire pour obtenir le consentement d’un tiers autorisé risque de mettre sérieusement en danger la santé de la personne. Certains types de pratiques médicales d’urgence ne peuvent être évaluées qu’en situation réelle, d’où la nécessité de cette dispense.
Il importe toutefois de faire une distinction entre les situations abordées dans la présente section et les situations où une urgence publique déclarée (comme la crise du SRAS ou une inondation majeure) perturbe le système normal d’approbation de la recherche par un CER. Les articles 6.21 et 6.22 présentent des lignes directrices pour l’évaluation de l’éthique de la recherche pendant une urgence publique déclarée.
Article 3.8
Sous réserve des lois et règlements applicables, la recherche en situation d’urgence médicale ne peut avoir lieu que si elle répond aux besoins immédiats des personnes concernées, et seulement si elle satisfait aux critères fixés à l’avance par le CER. Le CER peut autoriser une recherche en situation d’urgence médicale, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir le consentement du participant ou de son tiers autorisé, si toutes les conditions suivantes sont réunies :
- le participant éventuel court un risque grave nécessitant une intervention immédiate;
- il n’existe aucun traitement usuel efficace, ou la recherche offre une réelle possibilité d’avantage direct pour le participant comparativement au traitement usuel;
- le risque lié à la recherche n’est pas plus important que celui associé au traitement usuel efficace, ou il est clairement justifié par la perspective d’avantages directs pour le participant;
- le participant éventuel est inconscient ou n’a pas la capacité de comprendre les risques, les méthodes et les objectifs du projet de recherche;
- il n’est pas possible d’obtenir à temps le consentement d’un tiers autorisé, malgré des efforts diligents et attestés par des documents;
- aucune directive préalable pertinente du participant ne semble exister.
Lorsque le participant inapte recouvre sa capacité décisionnelle ou qu’un tiers autorisé est localisé, le consentement doit être sollicité pour que le projet puisse se poursuivre et que des examens ou des tests ultérieurs liés au projet de recherche puissent être entrepris.
Application
Afin de permettre la recherche visant l’amélioration du traitement de problèmes médicaux potentiellement mortels, l’article 3.8 présente une exception (outre celle prévue à l’article 3.7A) à l’obligation générale d’obtenir le consentement des participants à la recherche.
Il appartient aux chercheurs de démontrer au CER que cette exception est nécessaire. L’hypothèse qui sous-tend l’article 3.8 est que tout avantage direct du projet de recherche pour le participant ne pourrait pas être obtenu à moins de dispenser le chercheur de l’obligation de solliciter le consentement préalable du participant ou celui de son tiers autorisé. L’article 3.8 précise que la recherche en situation d’urgence médicale doit être évaluée par le CER, se limiter aux besoins urgents des participants et se dérouler conformément aux critères établis par le CER.
S’il existe un traitement usuel efficace, il est contraire à l’éthique d’exposer les participants à un risque supplémentaire sans avoir obtenu leur consentement, à moins de démontrer clairement qu’il y a une possibilité réaliste d’améliorer leur état de santé de façon significative. En conséquence, les alinéas b) et c) de l’article 3.8 indiquent que les chercheurs et les CER doivent évaluer les avantages potentiels et les risques du projet de recherche par rapport au traitement usuel efficace disponible.
Afin de respecter l’autonomie du participant, l’alinéa 3.8 e) exige que les chercheurs fassent des efforts diligents pour communiquer avec les tiers autorisés, lorsque c’est réaliste, et qu’ils documentent leurs démarches en ce sens, tant au bénéfice des participants que pour faciliter les fonctions d’évaluation continue de l’éthique du CER. L’article précise en outre que les participants qui recouvrent leur capacité décisionnelle au cours de la recherche doivent avoir, sans délai, la possibilité de consentir à continuer de participer à la recherche. La préoccupation pour le bien-être du patient doit prédominer et s’appuyer sur des considérations professionnelles et éthiques.
Puisque leur incapacité décisionnelle les place dans une situation qui peut les rendre vulnérables dans le contexte de la recherche, les participants éventuels à la recherche en situation d’urgence doivent être protégés par des mesures et des exigences éthiques particulières, proportionnelles aux risques encourus. Leur bien-être devrait d’ailleurs faire l’objet de mesures de protection supplémentaires, lorsque c’est faisable et approprié. Ces mesures pourraient inclure des consultations additionnelles avec le CER ou le milieu scientifique ou médical, des procédures pour identifier à l’avance les participants éventuels afin de pouvoir solliciter leur consentement avant qu’une situation d’urgence survienne, des consultations avec d’anciens participants ou des participants éventuels, des procédures spéciales de surveillance appliquées par des comités de surveillance des données et de la sécurité.
C. Capacité décisionnelle
La capacité décisionnelle réfère à la capacité des participants éventuels ou réels de comprendre l’information pertinente qui leur est présentée sur un projet de recherche et d’évaluer les conséquences possibles de leur décision de participer ou non à ce projet. Cette capacité peut varier selon la complexité du choix à faire, les circonstances entourant la décision ou le moment où le consentement est sollicité. La détermination de la capacité de décider de participer ou non à un projet de recherche n’est donc pas statique. C’est un processus qui peut évoluer avec le temps, selon la nature de la décision à prendre par le participant éventuel et l’évolution de l’état de santé du participant. Évaluer la capacité décisionnelle revient à déterminer, à un moment donné, si un participant (ou un participant éventuel) comprend suffisamment la nature d’un projet de recherche, ainsi que ses risques, ses conséquences et ses avantages potentiels.
Une personne peut donc avoir une capacité réduite à certains égards, mais être tout de même apte à décider de participer à certains types de recherches. Les chercheurs devraient connaître toutes les exigences prévues par les lois et les règlements applicables en matière de capacité décisionnelle et de consentement. Ces exigences peuvent varier selon les provinces et les territoires. Les tiers autorisés à qui on demande de prendre une décision concernant le consentement au nom du participant éventuel devraient également connaître leurs responsabilités légales.
Conformément au principe de justice, les personnes qui n’ont pas la capacité décisionnelle ne doivent pas être injustement exclues des avantages potentiels de la participation à la recherche, pas plus que leur manque de capacité décisionnelle ne doit être utilisé de façon abusive pour les inclure dans la recherche. Les CER et les chercheurs devraient être conscients de ces considérations d’ordre éthique et chercher à trouver un équilibre entre elles, au profit des participants éventuels qui n’ont pas la capacité décisionnelle (Chapitre 4).
Comme il est indiqué au Chapitre 1, le respect des personnes et la préoccupation pour le bien-être imposent des obligations éthiques particulières envers les personnes que les circonstances rendent vulnérables dans le contexte de la recherche. Ces obligations se traduisent souvent par des mesures spéciales destinées à promouvoir et à protéger leurs intérêts. Les chercheurs pourraient par exemple mettre au point des documents de consentement qui correspondent aux capacités cognitives et communicatives des participants éventuels. Les articles 3.9, 3.10 et 3.11 décrivent les procédures particulières qui s’appliquent aux recherches avec des personnes qui n’ont pas la capacité décisionnelle.
Article 3.9
Dans le cas d’un projet de recherche avec des personnes qui, de façon permanente ou temporaire, n’ont pas la capacité de décider elles-mêmes de participer ou non, le CER doit s’assurer qu’au moins les conditions suivantes sont remplies :
- Le chercheur inclut le plus possible dans le processus de prise de décision les participants qui n’ont pas la capacité décisionnelle.
- Le chercheur sollicite et confirme le consentement des tiers autorisés dans l’intérêt supérieur des personnes concernées.
- Le tiers autorisé n’est pas le chercheur ni un autre membre de l’équipe de recherche.
- Le chercheur démontre que la recherche est menée à l’avantage direct du participant, ou à l’avantage d’autres personnes de la même catégorie. Si la recherche ne présente aucun potentiel d’avantage direct pour le participant, mais seulement pour d’autres personnes de la même catégorie, le chercheur doit démontrer que le participant ne sera exposé qu’à un risque minimal et ne subira que des inconvénients minimes, et démontrer comment le bien-être du participant sera protégé pendant toute sa participation à la recherche.
- Lorsque le consentement à la participation à une recherche a été obtenu auprès d’un tiers autorisé et que le participant acquiert ou recouvre sa capacité décisionnelle au cours de la recherche, le chercheur doit solliciter rapidement le consentement de celui-ci pour que sa participation puisse se poursuivre.
Application
La décision du tiers autorisé doit être fondée sur sa connaissance du participant éventuel et sur sa préoccupation pour le bien-être de celui-ci. Le tiers autorisé ne doit pas être en situation de conflit d’intérêts au moment de prendre sa décision.
L’article 3.9 énonce d’autres mesures destinées à protéger les personnes qui n’ont pas la capacité de consentir à participer à une recherche. Il énumère plusieurs considérations relatives au recours à l’autorisation d’un tiers. Au-delà des exigences prévues par les lois et les règlements pour l’obtention du consentement d’un tiers autorisé, les membres de la famille et les amis peuvent aussi fournir des renseignements sur les intérêts et les désirs exprimés précédemment par les participants éventuels. Le tiers autorisé devrait tenir compte de toutes les directives préalables en matière de recherche donnée conformément à l’article 3.11.
Article 3.10
Lorsque le consentement a été donné par un tiers autorisé au nom d’une personne légalement inapte et que cette dernière est à même de comprendre, dans une certaine mesure, l’importance de la recherche à laquelle on lui demande de participer, le chercheur doit vérifier les souhaits de cette personne quant à sa participation. Le dissentiment du participant éventuel suffit à empêcher sa participation.
Application
Un grand nombre de personnes légalement inaptes à décider sont néanmoins capables d’exprimer leurs désirs de façon intelligible, même si cette expression ne répond pas à toutes les exigences relatives au consentement. Il est donc possible que des participants éventuels soient capables d’exprimer oralement ou physiquement leur assentiment ou leur dissentiment. Parmi les personnes qui sont en mesure d’exprimer leur assentiment ou leur dissentiment figurent :
- les personnes dont la capacité décisionnelle est en développement, comme les enfants, dont la capacité de jugement et l’autonomie sont en voie de maturation;
- les personnes qui ont déjà été aptes à donner leur consentement de façon autonome, mais dont la capacité décisionnelle diminue ou fluctue;
- les personnes dont la capacité décisionnelle n’est que partiellement développée, comme les personnes ayant une déficience cognitive permanente.
Bien que leur assentiment ne suffise pas à permettre leur participation en l’absence du consentement d’un tiers autorisé, l’expression de leur dissentiment ou les signes suggérant qu’elles ne souhaitent pas participer à la recherche doivent être respectés.
Directives préalables en matière de recherche
Même si les directives préalables sont reconnues comme étant un outil légitime dans le domaine des soins de santé, le recours à des directives préalables dans le contexte de la recherche n’est pas très répandu, et elles n’ont aucune valeur juridique. Pour les besoins de la Politique, les directives préalables en matière de recherche réfèrent aux instructions écrites qui sont utilisées pour exprimer les préférences d’une personne quant à sa participation à des recherches futures, au cas où elle perdrait sa capacité décisionnelle. Elles comportent des informations sur les préférences du participant éventuel qui seront utilisées par le tiers autorisé s’il doit donner son consentement à la place du participant.
L’efficacité de ces directives préalables n’est pas connue. De plus, leur statut juridique n’est pas encore reconnu et n’a pas été vérifié. Elles sont néanmoins cohérentes avec le principe directeur de respect des personnes énoncé dans la Politique. Les directives préalables respectent le droit des personnes à exprimer leurs préférences quant à leur participation à la recherche. Elles respectent aussi la vie privée, puisqu’elles permettent aux personnes de contrôler leurs renseignements personnels et leur matériel biologique. Lorsqu’ils sont appelés à prendre une décision concernant la participation à une recherche de la personne qu’ils représentent, les tiers autorisés devraient consulter ses directives préalables en matière de recherche.
Article 3.11
Si une personne a signé des directives préalables exprimant ses préférences concernant sa participation future à des recherches au cas où elle deviendrait inapte ou après son décès, les chercheurs et tiers autorisés devraient être guidés par ces directives pendant le processus de consentement.
Application
Les directives préalables en matière de recherche permettent aux personnes jouissant d’une capacité décisionnelle d’exprimer des préférences à propos de leur participation future à des recherches, au cas où elles perdraient cette capacité. Les chercheurs et les tiers autorisés devraient tenir compte de ces directives pendant le processus de consentement, mais seulement si la personne qui a donné ces directives n’a pas la capacité décisionnelle au moment où la recherche commence. Les directives préalables en matière de recherche peuvent également être utiles pour les participants dont la capacité décisionnelle est intacte au début de la recherche, mais qui la perdent pendant la recherche.
Elles sont utiles pour les personnes qui participent déjà à des recherches ainsi que pour celles qui n’y participent pas encore, mais qui souhaitent le faire ultérieurement. Elles offrent à la personne une série de choix quant à sa participation future à la recherche. L’utilisation de directives préalables en matière de recherche est particulièrement pertinente lorsqu’il s’agit de recherches touchant des participants dont la capacité décisionnelle diminue ou fluctue ou dont l’état dégénère, et dans les recherches où l’on recueille des renseignements ou du matériel biologique humain.
L’utilisation de directives préalables en matière de recherche ne modifie pas les exigences relatives à la sollicitation du consentement selon les dispositions de la Politique. En particulier, conformément à l’article 3.9, les chercheurs doivent solliciter le consentement des tiers autorisés avant que les personnes qui n’ont pas la capacité décisionnelle puissent participer à une recherche. Si une personne recouvre sa capacité décisionnelle, le chercheur doit rapidement solliciter son consentement pour qu’elle puisse continuer à participer à la recherche.
Les chercheurs, les établissements et les organisations peuvent suggérer de recourir à des directives préalables en matière de recherche afin de donner aux participants l’occasion d’exprimer leurs préférences relativement à l’utilisation des renseignements ou du matériel biologique humain déjà recueillis. Les chercheurs qui recueillent des renseignements ou du matériel biologique humain pour un projet de recherche donné peuvent prévoir qu’ils seront utilisés dans des recherches ultérieures. Certains types de recherches (p. ex. la création de grandes bases de données, parfois appelées « plateformes de recherche ») supposent la conservation et l’utilisation, sur une longue période, de renseignements ou de matériel biologique humain à des fins de recherche (p. ex. des études longitudinales faisant appel à des biobanques). Au moment de la collecte initiale de données pour ces plateformes, il n’est généralement pas possible de préciser toutes les recherches qui pourraient être menées à l’aide des données ou du matériel biologique des participants. Dans ce contexte, on pourra se servir des directives préalables en matière de recherche pour donner aux participants l’occasion d’exprimer leurs préférences au sujet des recherches futures, au cas où ils perdraient leur capacité décisionnelle (alinéa 5.5A d] pour l’expression de préférences dans le contexte de l’utilisation secondaire des données).
Dans les projets à long terme, ces directives préalables pourraient permettre aux participants de faire des choix touchant d’autres aspects de leur participation. Les participants pourraient, par exemple, y préciser leurs préférences quant à la réception des résultats ou à la poursuite de l’utilisation de leurs renseignements ou de leurs échantillons s’ils perdaient la capacité décisionnelle, ou après leur décès.
Les personnes peuvent aussi utiliser les directives préalables pour exprimer leurs préférences quant à leur participation à des recherches futures. Par exemple, des personnes qui en sont aux premiers stades d’un trouble cognitif pourraient recourir à ce type de directives pour exprimer leurs préférences quant à leur participation future à un projet de recherche advenant qu’elles ne soient plus en mesure de consentir elles-mêmes en raison du déclin de leur capacité décisionnelle. Les directives préalables permettent aussi aux participants actuels d’indiquer s’ils désirent poursuivre leur participation dans l’éventualité où ils perdraient leur capacité décisionnelle. Les directives préalables en matière de recherche devraient être énoncées le plus précisément possible et, en cas d’ambiguïté ou d’imprécision, elles devraient être interprétées de façon stricte. Les personnes devraient être encouragées à mettre régulièrement à jour leurs directives préalables et, si possible, à préciser leurs préférences pour différents types de projets de recherche. Les directives préalables en matière de recherche devraient être écrites, datées et signées en présence de témoins, et comprendre une déclaration sur la capacité décisionnelle de la personne au moment de la rédaction du document.
D. Le consentement doit être documenté
Article 3.12
Le consentement doit être attesté par la signature d’un formulaire de consentement ou par un autre moyen approprié, documenté par le chercheur.
Application
Le consentement écrit du participant au moyen d’un document signé par lui est la façon habituelle de démontrer que celui-ci a donné son consentement; dans certains cas, il est même obligatoire (p. ex. en vertu du règlement de Santé Canada en application de la Loi sur les aliments et drogues ou encore en vertu du Code civil du Québec). Il existe cependant d’autres façons éthiquement acceptables de donner son consentement. Dans certains types de recherches et pour certains groupes ou certaines personnes, le consentement écrit et signé peut être perçu comme une tentative de légaliser ou de formaliser le processus de consentement, les participants concernés y voyant l’expression d’un manque de confiance de la part du chercheur. Dans ce cas, il faudra peut-être recourir à un consentement verbal, à une entente verbale ou à une poignée de main plutôt qu’à la signature d’un formulaire de consentement. Dans certaines cultures, l’échange de cadeaux symbolise l’établissement d’une relation qui s’apparente au consentement.
Lorsque le consentement n’est pas obtenu sous la forme d’un formulaire de consentement signé, les chercheurs peuvent faire appel à diverses méthodes, dont le consentement verbal, les notes prises sur le terrain et d’autres stratégies pour documenter le processus de consentement. Le consentement peut aussi être démontré uniquement par les gestes posés par le participant (p. ex. retourner un questionnaire dûment rempli). S’il existe des raisons valables de ne pas noter le consentement par écrit, les méthodes utilisées pour l’obtenir doivent être documentées (article 10.2).
Qu’un formulaire de consentement soit signé ou non, il est conseillé de laisser au participant une déclaration écrite au sujet de l’information qui lui a été communiquée au cours du processus de consentement. Pour le participant, ce document est la preuve qu’il a accepté de participer au projet de recherche. Il peut servir à lui rappeler les conditions associées au projet de recherche. Il peut aussi aider le participant à évaluer ou à réévaluer sa participation à mesure que la recherche progresse. Cependant, les chercheurs ne doivent pas laisser de documentation au participant si cela risque de compromettre sa sécurité ou de nuire à la confidentialité. De plus, dans certains cas, il pourrait ne pas être convenable de laisser une déclaration écrite, par exemple dans un contexte culturel où un document écrit irait à l’encontre des normes usuelles.
Référence
Centre of Genomics and Policy (CGP), Maternal Infant Child and Youth Research Network (MICYRN), Best Practices for Health Research Involving Children and Adolescents [ PDF (1,16 Mo) - lien externe (en anglais seulement) ], 2012. Page consultée le 29 juin 2018.
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