Comments – Association pour la recherche au collégial (ARC)

Notice

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Consultations sur des documents d’interprétation et de mise en œuvre de l’énoncé de politique des trois conseils : éthique de la recherche avec des êtres humains 2 (2018)

En matière d’évaluation éthique de la recherche : miser sur la collaboration en amont

Commentaires déposés par l’Association pour la recherche au collégial

Octobre 2021

Rédaction
Lynn Lapostolle, directrice générale

Mise en page
Jennily Gélinas, technicienne en bureautique, microédition et hypermédia

Information
Lynn Lapostolle, directrice générale
Association pour la recherche au collégial
arc@cvm.qc.ca
Cell. : 514 299-9568 | Tél. : 514 843-8491 | Téléc. : 514 982-3448

Ce document est téléaccessible sur le site Web de l’ARC.

Table des matières

Présentation de l’ARC

L’Association pour la recherche au collégial (ARC) est d’abord et avant tout un lieu de rencontres et d’échanges sur la recherche collégiale. Fondée en 1988, elle a pour mission de promouvoir cette recherche par des activités de représentation et de valorisation ainsi que des services à la collectivité, et ce, auprès de tous les individus ou groupes concernés. Elle constitue un terrain neutre pour discuter de questions relatives au développement de la recherche collégiale. Au fil des ans, elle a développé une expertise certaine dans le domaine des activités de recherche menées au sein du réseau collégial.

Les membres de l’ARC proviennent de collèges publics et privés, de centres collégiaux de recherche ou de transfert, y compris les centres collégiaux de transfert de technologie et les centres d’accès à la technologie, d’écoles gouvernementales de même que du milieu de la recherche universitaire, d’organismes non gouvernementaux et d’entreprises, avec ou sans but lucratif. Bien que la majorité de ses membres soient établis au Québec, l’ARC, étant donné son caractère unique au Canada, vise de plus en plus à inclure en son sein des personnes de l’extérieur du Québec. La gouvernance de l’Association est confiée à un conseil d’administration composé de sept de ses membres, représentant des réalités diverses et possédant des compétences complémentaires. Ses activités sont réalisées par une équipe qui réunit entre autres des membres du personnel des collèges, libérés de leur tâche pour collaborer avec l’ARC à la réussite de sa mission.

L'ARC représente ses membres auprès du public et de toutes les instances concernées par la recherche collégiale : elle défend et fait valoir les intérêts des chercheuses et chercheurs de collèges, s’efforce de faire reconnaître la mission de recherche des collèges, encourage et facilite la mise en place de politiques liées à la recherche et de plans de développement de la recherche. Par exemple, au cours des deux dernières années, elle l’a fait lorsque le Conseil de recherches en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et les Instituts de recherche en santé du Canada ont sollicité des commentaires relativement à leur déclaration de principes sur la gestion des données numériques ainsi que dans le cadre des consultations sur la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation 2022.

L’ARC offre des services à la communauté scientifique et technologique collégiale : elle regroupe, informe, aide et encourage les personnes qui s’intéressent au développement de la recherche collégiale; elle se veut un réseau d’information et d’entraide par lequel elle peut notamment faire part à ses membres de la recherche qui se réalise, de l’évolution des structures locales ainsi que des développements concernant les subventions; elle aide à la création et au développement de services appuyant la recherche, favorise la formation de chercheuses et chercheurs, stimule la création d’équipes; elle encourage les chercheuses et chercheurs à faire connaître leurs travaux; elle crée des liens de collaboration réciproques avec tous les milieux intéressés par la recherche. En 2011, l’Association a publié La recherche collégiale : 40 ans de passion scientifique, seule monographie sur l’histoire de la recherche collégiale québécoise.

Commentaires préalables

Nous tenons à saluer le fait que le Groupe en éthique de la recherche et le Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche consultent les parties prenantes au sujet des documents de consultation et d’interprétation de l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains 2 (EPTC 2, 2018). Pour participer à cet exercice démocratique, l’ARC a elle-même invité ses membres à une séance de consultation visant à recueillir leurs points de vue. Cette séance a réuni une quinzaine de membres en règle. Parmi ceux-ci, certaines personnes sont elles-mêmes chercheuses ou chercheurs, d’autres occupent plutôt des fonctions administratives et d’autres encore, sont particulièrement versées en éthique. Nous pouvons donc affirmer sans hésitation que leurs questions, suggestions, voire objections, traduisent les réactions du terrain aux documents d’interprétation et de mise en œuvre sur lesquels le Groupe et le Secrétariat souhaitaient recueillir des commentaires.

Si la mission première des collèges demeure l’enseignement, leur implication en recherche ne cesse de croître (Fisher, 2010; Lapostolle, 2017). Dans ce contexte, les conditions de pratique de la recherche collégiale – on le comprendra aisément – diffèrent considérablement de celles de la recherche universitaire. Comme l’a écrit Piché (2011), « la recherche collégiale est singulière à plusieurs titres. Une de ses particularités est que les [enseignantes] chercheuses et [enseignants] chercheurs qui la pratiquent le font volontairement, sans obligation professionnelle. » Cela étant, le Québec peut s’enorgueillir d’un large réseau de centres de recherche et de transfert, qui comprend notamment 59 centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) au sein desquels la recherche et l’innovation constituent la tâche principale des chercheuses et chercheurs. À l’échelle pancanadienne, un réseau de 60 centres d’accès à la technologie (CAT) effectuent un travail similaire à celui des CCTT. Les chercheuses et chercheurs qui se trouvent dans ces 94 centres1 s’ajoutent donc au vaste réseau de celles et ceux qui accomplissent leurs activités à l’extérieur de ces organismes. Qu’ils soient situés au Québec ou à l’extérieur de celui-ci, qu’ils soient reconnus ou non comme CCTT ou CAT, ces centres sont enchâssés dans des établissements dont la mission première demeure, répétons-le, l’enseignement.

À l’heure actuelle, les défis sont nombreux, et de nouvelles tendances ou exigences, toute plus pertinentes les unes que les autres, s’y ajoutent sans relâche. En témoigne l’importance croissante de toutes les questions liées à l’équité, à la diversité et à l’inclusion, au développement durable, à la gestion des données de recherche, ou encore, à la sécurité de la recherche. Les organismes subventionnaires fédéraux ont lancé ce printemps leur politique sur la gestion des données de recherche (Instituts de recherche en santé du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, 2021), et ils s’apprêtent à lancer le guide du programme Dimensions. De leur côté, les organismes subventionnaires québécois ont adopté leur stratégie sur l’équité, la diversité et l’inclusion (Fonds de recherche du Québec, 2021). Or, chaque nouvelle exigence de la part des organismes subventionnaires, fédéraux comme provinciaux, entraîne son lot de tâches pour les administratrices et administrateurs de la recherche tout comme pour les chercheuses et chercheurs, alors que les ressources pour s’en acquitter font défaut (Association pour la recherche au collégial, 2021). Présente dans les échanges à l’échelle universitaire, cette question devient omniprésente au sein du réseau collégial. Afin que la recherche continue de se développer dans le respect des nouvelles responsabilités que les changements sociaux imposent et des récentes exigences mises de l’avant par les organismes subventionnaires, le gouvernement doit allouer à cette activité les ressources financières nécessaires. Il lui revient de s’assurer que les chercheuses et chercheurs du Québec s’inscrivent dans la tendance mondiale du partage, et ce, dans le respect des enjeux de sécurité et de respect de la vie privée.

Dans sa conception même, l’EPTC 2 (2018) nous semble respecter une certaine logique « universitaire », ce qui peut influer négativement sur son appropriation par la communauté collégiale. Cela se traduit notamment par l’emploi de termes particuliers ainsi que par la conception du calendrier à l’intérieur duquel doivent être réalisées les actions. Pour ce qui est du vocabulaire, nous pensons, par exemple, à l’emploi d’une expression comme « cadre supérieur ». De qui s’agit-il au juste? Quelle est la fonction exercée par une telle personne? La question revient sans cesse dans les échanges au sujet de l’EPTC 2 (2018). Pour ce qui concerne la période sur laquelle s’étendent les activités de recherche, le calendrier de la recherche collégiale est souvent différent de celui de la recherche universitaire. Bien des projets s’échelonnent sur une courte période, ce qui est considéré d’ailleurs comme l’une des qualités de la recherche collégiale. En effet, il n’est pas rare que les projets soient élaborés en fonction des besoins des parties prenantes, notamment en termes de temps. Dans leur présentation des faits saillants de l’enquête sur la recherche appliquée 2019-2020 de Collèges et instituts Canada, Anctil et Shumelda (2021) rapportaient d’ailleurs que 85 % des projets s’étendent sur moins d’un an, ce qui présente un défi pour l’évaluation éthique. La notion de temps joue aussi pour ce qui est des activités de recherche exécutées par des étudiantes et étudiants. Ces activités se déroulent sur une session de cours qui dure, en moyenne, 15 semaines, et non sur plusieurs années, comme les études de deuxième ou de troisième cycle universitaire. Il en va tout à fait de même pour les études de premier cycle universitaire, qui proposent une initiation aux méthodes ou aux approches de recherche, ainsi que de l’année de propédeutique conduisant à des études de deuxième ou de troisième cycle. Ajoutons que la quantité d’élèves complexifie la situation. En effet, le nombre d’étudiantes et étudiants par groupe-cours peut être très imposant, et l’on peut se voir attribuer plus d’un groupe par session. Ainsi, il n’est pas rare qu’une professeure ou un professeur encadre plus d’une centaine d’élèves par session, et, au collégial, cette personne ne bénéficiera pas de l’aide d’une assistante ou d’un assistant d’enseignement. Bref, le temps dont on dispose pour procéder à une évaluation éthique est limité, et le volume d’activités de recherche à encadrer est important. Ces deux facteurs posent un défi colossal.

Par ailleurs, le Groupe gagnerait à adopter une pratique exemplaire en ce qui a trait à l’inclusion et, donc, à rendre le texte épicène. Les organismes subventionnaires ont mis en place le programme Dimensions, qui favorise l’équité, l’inclusion et la diversité en recherche au Canada. Étant entendu que la langue participe de cette évolution, nous croyons fermement qu’il est plus que temps que le Groupe privilégie les formulations qui incluent, de manière implicite ou explicite, les deux genres.

Enfin, sachant que le Groupe constitue une initiative collaborative pour promouvoir l'éthique de la recherche avec des participantes et participants humains, et souhaitant vivement qu’il développe une lecture juste de la pratique de la recherche à l’ordre d’enseignement collégial, nous suggérons la présence de membres de cette communauté en son sein afin de lui permettre de mieux prendre en compte cette réalité.

Dans le cadre de la présente consultation, l’ARC choisit de se prononcer sur deux des quatre documents d’interprétation et de mise en œuvre : Proposition de révision des lignes directrices pour l’évaluation de l’éthique de la recherche relevant de plusieurs autorités et Proposition de lignes directrices sur le consentement général au stockage des données, à la conservation du matériel biologique humain et à leur utilisation.

L’évaluation des projets de recherche relevant de plusieurs autorités

Au regard de l’évaluation des projets de recherche relevant de plusieurs autorités, nous saluons le fait que le Groupe cherche à tracer des lignes directrices afin de promouvoir l’évaluation rapide de la recherche. Tout comme lui, nous reconnaissons que la situation actuelle est problématique, qu’elle peut engendrer une lourdeur certaine, des retards, voire une réévaluation des objectifs dans certains cas et, ainsi, avoir des impacts sur l’envergure des projets menés. En revanche, la solution proposée dans ces lignes directrices nous apparaît inadéquate. Dans le cadre de la consultation que nous avons tenue auprès de nos membres, un consensus s’est dégagé à ce sujet. Nous considérons comme primordial l’établissement de relations de confiance entre les CER et, par ailleurs, nous invitons le Groupe à viser l’atteinte de l’équilibre entre les pratiques exemplaires en matière d’éthique de la recherche et les conditions de pratique de la recherche collégiale, notamment. En ce sens, nous tenons à réitérer que les ressources relatives à la recherche sont extrêmement limitées au collégial, comme nous l’avons énoncé plus haut dans les commentaires préalables.

D’entrée de jeu, le Groupe écrit que le but qu’il vise par l’adoption de nouvelles lignes directrices est « d’exiger une évaluation harmonisée de l’éthique de la recherche à risque minimal relevant de plusieurs autorités » (l. 6-7). Or, la solution qu’il propose s’appuie sur l’établissement d’une structure hiérarchique, voire quasi juridique, dans la mesure où elle oblige les établissements à « [inviter] le CER évaluateur à revoir sa décision en raison de circonstances locales ou d’enjeux de fond qui n’ont pas été pris en considération » (l. 135-137). Quel poids aura cette « invitation », sachant qu’inviter, c’est tout simplement inciter, c’est-à-dire « entraîner, pousser [qqn] à qqch., faire qqch » (Rey-Debove et Rey, 2011)? Toutefois, si l’invitation à revoir une décision en raison de circonstances locales revêt un caractère non obligatoire, la solution elle-même a un caractère obligatoire qui nous surprend, étant donné la posture adoptée par le Groupe jusqu’à maintenant. En effet, par l’EPTC 2 (2018), il indique les règles à suivre, mais il laisse les établissements libres de la manière de les appliquer. La présente proposition apparaît donc étonnante. De plus, elle mise sur l’exécution et l’objection plutôt que sur la collaboration, et risque de placer les CER les uns contre les autres, l’expérience nous apprenant que les évaluations de l’éthique d’une activité de recherche sont davantage disparates qu’harmonisées. Bien que nous comprenions que le Groupe présente les « existences locales (fédérales, provinciales ou celles du pays où la recherche est menée) » comme une illustration des particularités locales, nous considérons que les notions, principes et thèmes diffèrent entre la common law et le Code civil. Dans ce contexte, comment un CER albertain, par exemple, sera-t-il en mesure de traiter les obligations au Québec? De quelle façon un CER ontarien considérera-t-il la majorité, établie à 18 ans au Québec, mais variable en fonction des règles de l’établissement concerné en Ontario? Dans ces deux cas, l’expérience nous invite à la prudence. Qui plus est, au Québec, de récents changements ont été apportés en matière de protection des renseignements personnels. Deux lois s’appliquent : l’une pour le secteur public, l’autre pour le secteur privé. Pour les établissements ou organismes devant respecter l’EPTC 2 (2018), ou plutôt, choisissant de l’appliquer parce que non encore admissibles aux subventions ou à l’administration des subventions des trois Conseils, les interprétations et la prise en considération des principes diffèrent d’un CER à un autre. Par ailleurs, les raisons d’être d’une divergence d’évaluation peuvent reposer sur d’autres motifs que les particularités locales et se révéler fondamentales. Ainsi, elles peuvent être de nature éthique, puisqu’il n’existe pas de vérité unique en éthique. D’ailleurs, l’expérience nous apprend que les CER peuvent différer quant à l’évaluation qu’ils font du niveau de risque d’une activité de recherche. Par exemple, après une réflexion collective documentée, un CER peut avoir adopté une position nuancée au sujet des tirages pour encourager la participation aux études, laquelle va à l’encontre de celle du CER évaluateur.

Le Groupe soutient ceci dans les lignes directrice : « Il apparaît désormais que les lignes directrices additionnelles que l’on retrouve dans l’EPTC 2 n’ont pas été suffisantes pour augmenter le recours à des approches plus harmonisées à l’égard de l’évaluation éthique » (l. 51-53). L’entente entre les trois universités de l’Ouest (l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de l’Alberta et l’Université de la Saskatchewan) est citée en exemple, mais hormis celle-ci, tous les autres exemples appartiennent au secteur de la santé (l. 25-33). Le Groupe a-t-il documenté les raisons pour lesquelles de telles approches achoppent? Selon toute vraisemblance, nombreux sont les établissements qui auraient pu s'en prévaloir, mais qui ont sciemment décidé de ne pas le faire. Au sein du réseau collégial québécois, une initiative en ce sens a été lancée il y a un peu plus de deux ans : une minorité d’établissements (environ un sur six) s’en sont prévalu, et plusieurs autres manifestent d’importantes réserves à son regard. Dans ce contexte, nous croyons qu’il serait intéressant de documenter les pratiques et les résultats en matière d’évaluation éthique. « Il ne semble pas y avoir d’élément probant établissant que de multiples évaluation (sic) de l’éthique améliorent la protection offerte aux participants à la recherche » (l. 45-46), mais, à notre connaissance, ni les résultats de la recherche ni les savoirs d’expérience ne nous informent quant aux impacts des évaluations multiples. Toutefois, l’histoire nous indique que, lors de la création de comités comparables aux États-Unis, la responsabilité entière de l’évaluation éthique incombait aux chercheuses et chercheurs et que cette façon de faire s’est révélée inefficace. C’est alors que l’on a créé les institutional review boards, pour offrir un regard extérieur, contextualisé. Les enseignements que l’on pourrait tirer de travaux qui documenteraient les pratiques et les résultats de l’évaluation d’activités de recherche menées sous plusieurs juridictions ou qui analyseraient les savoirs expérientiels pourraient fort probablement nous aider à comprendre les réticences et à mettre en place des avenues de collaboration balisées.

La solution proposée par le Groupe nous semble constituer un glissement vers la perspective de la chercheuse ou du chercheur. C’est en effet à cette personne qu’incombent la responsabilité et l’application des principes. Or, dans l’EPTC 2 (2018), c’est dans la perspective de la participante ou du participant qu’on évalue l’éthique d’une activité de recherche. Modifier la perspective, c’est peut-être perdre de vue la participante ou le participant. Pourtant, de récents écrits rendent compte d’une perte de confiance de la part des participantes et participants à la recherche à l’égard des autorités gouvernementales et des chercheuses et chercheurs. Nous doutons que la perspective actuelle renverse cette tendance et consolide les liens de confiance à la fois entre les CER, comme nous l’avons indiqué plus haut, et entre les participantes et participants, et celles et ceux qui font de la recherche ou qui l’encadrent.

Le Groupe rappelle dans sa proposition de nouvelles lignes directrices que l’énoncé de l’EPTC 2 selon lequel « chaque établissement est responsable des recherches menées sous son autorité ou sous ses auspices » (l. 40-41) peut être la cause du fait que de « nombreux établissements n’ont pas établi de mécanismes d’évaluation de l’éthique de la recherche relevant de plusieurs autorités ou ne prennent pas part à de tels mécanismes » (l. 34-36). Cette situation peut en effet expliquer certaines positions, et tout nous porte à croire qu’elle demeurera telle dans le contexte de la solution proposée. Comment concilier l’écart entre la responsabilité et l’engagement à la responsabilité, ou, en d’autres termes, comment le CER d’un établissement peut-il « engager » la responsabilité d’un autre établissement en ayant des attentes par rapport à l’une de ses chercheuses ou l’un de ses chercheurs? Comment le partage des responsabilités peut-il être appliqué dans un tel contexte? De plus, nous ne saisissons pas bien la raison d’être du lien établi avec le Cadre de référence (l. 88-93). Un tel lien nous semblerait à propos dans l’introduction au texte ou dans un préambule, mais il nous apparaît étonnant dans le corps du texte, ces deux cadres étant distincts l’un de l’autre. Bien que nous concevions tout à fait que les chercheuses et chercheurs soient « les premiers à tenir compte de la protection des participants lorsqu’ils planifient leurs travaux de recherche » (l. 80-81), nous considérons tout de même que leur responsabilité découle de l’approbation éthique de leur activité de recherche, et donc qu’elle arrive après cette évaluation. De plus, cette responsabilité ne modifie en rien la responsabilité de l’établissement. Ajoutons que la proposition nous semble reposer sur la remise de responsabilités entre les mains des chercheuses et chercheurs, plutôt que sur la collaboration entre ces derniers et les CER, lesquels possèdent des compétences collectives en ce qui a trait à l’éthique et doivent même assurer le développement de celle-ci.

Notre position est la même autant pour ce qui est des liens entre les chercheuses et chercheurs, d’une part, et les CER, d’autre part, qu’entre les CER eux-mêmes : miser sur la collaboration, et non sur la seule coopération. Précisons que « le travail coopératif est un travail de groupe hiérarchiquement organisé et planifié impliquant des délais et un partage des tâches selon une coordination précise » alors que « la collaboration s’entend en fait par une situation de travail collectif où tâches et buts sont communs. [...] La responsabilité est donc ici collective et incombe au groupe en tant que totalité. Ce mode de travail collectif engage par conséquent une communication régulière entre les membres du groupe et une connaissance précise de la progression de l’action collective » (Piquet, 2009). Nous suggérons donc un renversement de situation : que les chercheuses et chercheurs soumettent leur demande d’évaluation éthique à un seul CER, lequel solliciterait ensuite les autres CER concernés par cette demande. Il s’agit donc d’emmener les CER à travailler ensemble en amont, et non en aval d’une décision. Dans cette perspective, l’évaluation du niveau de risque, par exemple, serait effectuée dans le cadre d’une action collective favorisant le dialogue. L’ARC a déjà fait l’essai d’une telle opération en organisant pour un chercheur une rencontre de plusieurs CER à qui celui-ci s’apprêtait à transmettre une demande d’évaluation éthique. Les participantes et participants à la rencontre en sont ressortis avec une compréhension commune du projet, et le chercheur, avec une compréhension plus grande des attentes des CER. En ce sens, nous saluons la volonté du Groupe de vouloir non seulement encourager, mais étendre la communication entre toutes les personnes concernées par l’évaluation de l’éthique. Le développement de la communication, le dialogue et la collaboration nous semblent des avenues privilégiées pour le développement d’une culture de coévaluation.

Nous pouvons lire dans les lignes directrices proposées que celles-ci « sont obligatoires pour toute recherche à risque minimal menée sous les auspices de plusieurs établissements », incluant « la recherche menée à l’aide des ressources de plus d’un établissement admissible » (l. 99). Que signifie le terme « ressources » dans ce contexte? Renvoie-t-il aux ressources humaines, y compris les participantes et participants, ou plutôt aux ressources financières, matérielles ou informatiques, par exemple? Par ailleurs, le Groupe s’attend à ce que « la décision et les raisons du CER évaluateur, de même que les documents finaux de l’étude telle qu’approuvée » soient rendus accessibles aux CER de tous les établissements concernés (l. 104). Quels sont ces « documents finaux de l’étude telle qu’approuvée »? Nous suggérons au groupe de préciser la nature des ressources et des documents dont il est question quant à la portée des lignes directrices.

Le consentement général à la recherche

Bien que nous souhaitions indiquer clairement notre volonté de soutien de la recherche et de mécanismes l’entourant, nous tenons à exprimer une certaine réserve quant à la proposition du Groupe concernant le consentement général à la recherche, étant donné la définition du consentement et l’adoption de lois sur les renseignements personnels au Québec.

Il nous semble important de nous questionner quant à l’obtention du consentement général : devrait-il devenir la règle ou demeurer exceptionnel, entre autres parce que la participante ou le participant perd le contrôle des données qui proviennent d’elle ou de lui? Nous comprenons tout à fait que le consentement peut constituer un avantage scientifique de la plus haute importance lorsqu’il représente une valeur pour l’humanité, mais cette situation n’est pas celle qui a cours pour tous les projets de recherche. Par ailleurs, on peut choisir d’accorder son consentement à un moment et désirer le retirer par la suite. Selon nous, l’éthique de la recherche avec des êtres humains doit demeurer basée sur la possibilité de contrôle par les participantes et participants. De plus, nous croyons qu’il s’agit d’une garantie pour le maintien d’une relation de confiance entre la communauté scientifique et la population. Or, dans le nouveau contexte proposé par le Groupe, comment maintenir le respect à l’égard des droits fondamentaux des participantes et participants? Quelles informations les chercheuses et chercheurs devront-ils fournir au moment du recrutement pour s’assurer de travailler dans la plus grande transparence possible? À quel moment un consentement général serait-il sollicité? La participation aux travaux risque-t-elle d’affecter le maintien du consentement, étant donné la difficulté à évaluer les risques, les contraintes et les bénéfices avant le début de sa participation à un projet? Le consentement portera-t-il sur un seul projet? Comment la conservation des données sera-t-elle effectuée? Comment l’anonymisation sera-t-elle traitée de manière à éviter toute réidentification des participantes et participants, notamment par couplage? Qu’en sera-t-il de l’utilisation des données secondaires? Outre le respect d’une valeur comme la transparence, nous croyons nécessaire d’éviter la confusion. À cet égard, nous considérons comme insuffisant que « toute dérogation ou limite à la notion de consentement continu [soit] justifiée auprès d’un CER et expliquée au participant dans le cadre du processus de consentement » (l. 244-245). De plus, tout comme nous l’avons souligné pour l’évaluation des projets de recherche relevant de plusieurs autorités, les exigences légales diffèrent d’une province à une autre. À titre d’exemple, le 22 septembre dernier, la Loi sur la modernisation des dispositions législatives sur la protection des renseignements personnels (le « projet de loi 64 ») a reçu la sanction royale, seulement une journée après son adoption par l’Assemblée nationale du Québec. Cette loi représente une réforme importante du régime de confidentialité visant à améliorer la transparence, à accroître le niveau de confidentialité des données et à renforcer les exigences en matière de consentement. Elle entraîne de nombreuses modifications au régime actuel de protection de la vie privée au Québec et risque d’influer sur le mouvement de réforme de la législation sur la protection de la vie privée au Canada.

À la lumière des commentaires ci-dessus et des modifications en cours sur le plan juridique, il nous semble que la réflexion éthique au sujet du consentement doive se poursuivre, et ce, avec toutes les parties impliquées dans la recherche. Dans ce contexte, nous nous retenons d’exprimer une préférence au sujet de l’expression à retenir, comme le demande le Groupe.

Références bibliographiques

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